Courrier de l'Ambassade Espagnole (reprenant un courrier du Gouvernement Français) du 13 août 1917 concernant la Bergkohlendirektion de Stassfurt

séparation

Ambassade d'Espagne de Berlin
Affaires Françaises
KI- 19
KI- 17
20025

Note Verbale

Comme suite à la note verbale IIIb 18726/66723 du 8 mai dernier l'Ambassade Royale d'Espagne a l'honneur de copier ci-après au Département Impérial des Affaires Etrangères la note qu'elle vient de recevoir du Gouvernement Français:

"L'Ambassade d'Espagne a bien voulu transmettre au Ministère des Affaires étrangères la note verbale du Gouvernement Impérial accompagnant un mémorandum des autorités allemands en réponse aux observations présentées par l'Ambassade Royale à la suite de la visite de son délégué, M.Emilio Guttierez, au détachement de travail de la Bergkohlendirektion de Stassfurt, dépendant du camp de Quedlinburg.
En remerciant l'Ambassade d'Espagne de ses offices, le Ministère des Affaires Etrangères se voit dans la nécessité de constater que les explications du Gouvernement Impérial relativement au traitement injustifiable dont sont l'objet les prisonniers de ce détachement ne sont pas satisfaisantes. En ce qui concerne notamment les violences exercées sur le prisonnier Bonnaud Henri blessé d'un coup de baïonnette par le Chef du détachement l'autorité militaire allemande se borne à invoquer les dispositions des règlements pour justifier cette brutale agression.
Le Ministère des Affaires Etrangères ne saurait que protester avec assez d'énergie contre de pareilles pratiques et il serait reconnaissant à l'Ambassade d'Espagne de bien vouloir, à ce sujet, obtenir du Gouvernement allemand des explications et en général sur les moyens de coercition que les autorités militaires allemandes met à la disposition des chefs de détachements.

Le Gouvernement français croit devoir, d'autre part, faire remarquer qu'il a eu depuis quelque temps à relever à plusieurs reprises l'insuffisance des réponses du Gouvernement allemand aux réclamations qu'il a dû faire entendre à la suite des constatations faites par les délégués espagnols, au cours de leurs visites des camps de prisonniers.
A ces constatations les autorités allemandes se bornent dans bien des cas à opposer de simples dénégations. Il suffit de citer en exemple la réponse faite aux réclamations nombreuses provoquées par le régime très défectueux principalement au point de vue du logement, du camp d'Altengrabow, réclamations appuyées sur des faits précis. La note de l'Office impérial des Affaires étrangères se contente d'affirmer que "le logement des prisonniers de guerre est conforme aux prescriptions édictées."

Au détachement d'Eydtkuhnen le délégué de l'Ambassade d'Espagne ayant signalé les conditions défectueuses de l'éclairage et de la nourriture, les autorités allemandes répondent que "le traitement des prisonniers est bon et conforme aux règlements et que le régime alimentaire est satisfaisant."

Il en est de même à l'égard des demandes les plus justifiées présentées par le Gouvernement français et tendant à obtenir le déplacement de certains chefs de camps ou de détachements à la suite de plaintes recueillies par les délégués neutre. Le refus du Gouvernement allemand de faire droit à ces demandes n'est accompagné d'aucune explication.
C'est ainsi que les autorités françaises ayant signalé comme désirable le remplacement du commandant du camp de Brockok il est répondu "qu'il n'y a aucun motif de faire droit à cette demande."
A la suite d'abus d'un caractère particulièrement grave imputables à l'unteroffizier qui commande le détachement de la Mine Prinz Wilhem dépendant de Wolsdorf, des observations motivées sont transmises par l'Ambassade d'Espagne appelant l'attention des autorités allemandes sur la présence d'un simple sous-officier, comme chef de détachement: le note du Gouvernement Impérial déclare: "qu'il ne saurait être tenu compte des observations relatives aux fonctions du chef de détachement exercées par un unteroffizier."

Enfin pour ne point prendre en considération les plaintes formulées par les prisonniers, alors même qu'elles sont appuyées sur les témoignages des délégués neutres, le Gouvernement allemand n'hésite pas à mettre en doute la sincérité des prisonniers. C'est dans ce sens qu'est conçue la note de l'Office Impérial des Affaires étrangères en réponse aux remarques du délégué de l'Ambassade d'Espagne concernant le traitement des militaires français internés au camp de Galgenberg.
"Les prisonniers de guerre français, est-il dit dans le document dont il s'agit, on un penchant pour les exagérations et souvent même ne reculent pas devant un mensonge."

Sans multiplier les exemples du même ordre qui peuvent témoigner des dispositions des autorités allemandes à l'égard des prisonniers de guerre, le Gouvernement français estime nécessaire d'en souligner les fâcheuses conséquences.
Il est évident, en effet, qu'une telle attitude en dehors de ce qu'elle a d'opposé aux principes dont s'inspirent les conventions internationales relatives au traitement des prisonniers, a pour grave inconvénient de paralyser le contrôle des délégués neutres et de diminuer l'efficacité d'une mission bienfaisante confiée à des représentants officiels dont la haute impartialité et la compétence ne sauraient être contestées.
En présence de tels errements le Gouvernement français croit pouvoir faire remarquer que c'est dans un tout autre esprit qu'il y a toujours eu le souci d'examiner les réclamations qui lui parviennent par l'intermédiaire de la Légation de Suisse.
Chacun des griefs formulés fait l'objet d'une enquête dans les dépôts; des réponses précises sont données aux observations présentées; satisfaction aux demandes est accordée dans toute la mesure possible.
Mais en agissant ainsi, guidé par la préoccupation d'améliorer le sort des prisonniers, le Gouvernement français est en droit d'exiger une exacte réciprocité. Il serait en conséquence reconnaissance à l'Ambassade Royale de bien vouloir appeler sur ces remarques l'attention toute spéciale des autorités allemandes en faisant entendre que le Gouvernement français sera justifié à ne pas montrer, de son côté, plus de diligence dans l'examen des réclamations qui lui seront soumises, s'il ne constate pas à bref délai un changement dans la ligne de conduite que semble avoir adoptée depuis quelques temps le Gouvernement impérial."

Cette Ambassade prie le Département Impérial des Affaires Etrangères de vouloir bien la mettre à même de répondre au Gouvernement Français.

Berlin, le 13 août 1917.